Graver et anodiser sélectivement le titane

La gravure sur le titane est faite de façon tout à fait classique, à la main avec une échoppe. Les coupes doivent être relativement profondes (2 à 3/10e de mm) surtout celles des contours : cela rendra plus simples les opérations d’anodisation par la suite.

L’anodisation proprement dite commence par la réalisation de masques .Comme je veux colorier différemment certaines parties, j’ai besoin de masquer (isoler électriquement) les parties qui ne sont pas à colorier.
Pour cela j’ai testé plusieurs masquants :

  1. Vernis de graveur Carbonnel (sur le site de JoopStoop )
  2. Vernis à ongles
  3. Vernis photo sensible avec insolation par lampe UV (technique des Circuit Imprimés pour ceux qui connaissent)

Le vernis a ongles est le plus simple à employer, vous voyez ici comment je le passe sur les contours, sans venir déborder sur les parties qui doivent rester à nu et que je veux colorier.

Vous pouvez voir que j’ai masqué les contours des couleurs qui nécessitent les tensions les plus élevées, dans ce cas le jaune des planètes des étoiles et des cheveux et le rouge des habits.

Pendant que le vernis sèche je prépare l’électrolyte, il y en a plusieurs recettes, j’utilise depuis des années celle qu’avait donnée Sacha Thiel, à base de sulfate d’ammonium.
Le sulfate n’est pas dangereux à priori, mais je prends les précautions d’usage : port de gants et lunettes de chimiste. J’utilise le dosage suivant : 1g pour 10 ml d’eau.

Je prépare ensuite l’outil qui va me permettre de faire l’anodisation sélective : Il s’agit d’un cure-dents en bois, sur lequel j’enroule le cuivre d’un fil de téléphone que j’ai dénudé sur 2 cm. Je commence la ligature à 5mm de la pointe et je mets ensuite autour du cuivre un manchon isolant pour éviter les courts circuits que pourrait provoquer le cuivre s’il touche directement la plaque de titane.

Il s’agit ensuite de choisir les couleurs …et la tension correspondante. Les oxydes de titane qui vont se former lors du passage du courant électrique ont des couleurs qui varient en fonction de la tension. Je me suis fait un « nuancier » en faisant varier la tension. Cela me permettra de déterminer la valeur : Par exemple, pour le jaune des étoiles et la chevelure je vais régler à 60V.

L’alimentation électrique est extrêmement importante. Il s’agit d’une source de courant continu qui doit pouvoir délivrer des courants de l’ordre de 0,2 A sous des tensions allant jusqu’à une centaine de volts. ATTENTION : il s’agit-là de tensions dangereuses, et même mortelles. Je suis électronicien de formation et donc bien sensibilisé aux risques électriques. Si vous êtes profane en électricité, faites-vous conseiller par un ami électricien et évitez les montages bricolés à base da variateurs pour halogène par exemple. La source d’alimentation doit impérativement comporter un transformateur d’isolement et sa sortie doit être flottante, c'est-à-dire qu’elle n’est pas reliée à une terre électrique.

Vous voyez ici comment j’utilise mon outil d’anodisation : Je le trempe quelques secondes dans un verre rempli d’électrolyte afin de bien imbiber le bois (un peu comme on trempait la plume dans l’encrier) Ensuite je l’applique sur la plaque de titane reliée au pôle + de l’alimentation. L’outil est relié au –
Vous pouvez remarquer l’utilisation de gants isolants. La plaque elle-même est isolée de l’étau par une bande de cuir épais. J’ai pris le jus une fois lors de mes premiers essais, une centaine de volts en courant continu ça secoue drôlement…

Après l’anodisation, qui est très rapide puisque la couleur apparaît instantanément, j’enlève le vernis du masque à l’acétone.

Vous voyez ici le résultat des 2 premières couleurs obtenues, rouge et jaune. Pour qu’elles soient encore plus éclatantes je peux les poncer avec un tampon en moelle de sureau imbibé de polish.

Je continue ensuite les couleurs obtenues avec des tensions inférieures. Dans ce cas je n’ai plus besoin de masquer les parties qui sont déjà anodisées. La tension inférieure ne va pas modifier la couleur précédemment obtenue. Ici je vais immerger l’ensemble de la plaque qui est tenue par une tige en cuivre. Le bac contient l’électrolyte à base de sulfate d’ammonium.
Vos voyez le montage avec une électrode en titane reliée au – et la plaque reliée au + .La tension est ici d’une trentaine de volts pour obtenir du bleu (cela explique l’absence de gants)
Il y a un dégagement gazeux au niveau de la cathode, évitez de respirer ça.

L’anodisation a duré une vingtaine de secondes environ. Le bleu obtenu par cette méthode est beaucoup plus uniforme que celui obtenu avec le cure dents ; Il y a un dégradé de bleu autour du trou dans lequel j’ai passé l’électrode. C’est dû à la différence de densité de courant, les parties plus proches de la cathode prennent une couleur plus intense. En jouant avec ce phénomène on doit pouvoir obtenir des effets intéressants

L’anodisation est presque terminée. Il reste de petites retouches à faire, par exemple effacer une couleur qui a débordé.
 Il est possible de faire un travail très précis en « effaçant » avec une Dremel. L’outil utilisé est encore une cure dents qui tourne lentement. Je trempe le cure dents dans de la pâte diamantée 1µ et cela marche très bien. Cela peut servir également pour polir sélectivement des parties de titane laissé brut.

Voici le produit fini : le rendu des couleurs est bien plus joli en lumière naturelle. La couche d’oxyde de titane est très mince mais si le support a été bien poli, cela fait comme une couche d’émail translucide. Cette couche est relativement solide et très durable dans le temps.
La méthode est simple, il suffit de prendre les précautions contre les risques électriques et c’est vraiment très amusant. Essayez et montrez vite les résultats.

Voici le couteau de mon fils aîné en cours de gravure: